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Editorial
samedi 20 décembre 2003


EDITORIAL

Les articles riches et fort intéressants rassemblés dans ce troisième numéro sont assez variés. Il ne serait pas aisé de les regrouper en des rubriques thématiques précises. On pourrait cependant faire quelques rapprochements selon leurs orientations.

Les cinq premiers articles, s’appuyant sur l’analyse d’œuvres littéraires, examinent des faits linguistiques précis ou mettent à l’épreuve des concepts descriptifs originaux.

Etudiant la production poétique de Léopold S. Senghor, académicien réputé pour son purisme, Alioune Mbaye souligne que celle-ci est pourtant truffée d’africanismes. Il en propose un inventaire selon différents champs lexicaux, liés le plus souvent à l’environnement physique de la terre natale, et trouve que leur fréquence dans l’œuvre de Senghor relève en fait d’un choix délibéré de celui-ci de diffuser la culture africaine, d’affirmer par l’acte d’écriture son engagement dans le combat de la négritude et en même temps de nommer le monde par les mots qui conviennent car « une kora n’est pas une harpe, non plus qu’un balafong, un piano ».

Modou Ndiaye s’intéresse à l’utilisation que Aminata Sow Fall fait du phénomène de l’énumération dans son ouvrage intitulé La grève des battu pour créer du sens. Le modèle d’énumération qu’il étudie, celui dans lequel il n y a pas de coordonnant entre les éléments énumérés, apparaît dans ce roman sous deux variantes. La première correspond à une série simple de termes ayant la même relation au verbe mais lexicalement distincts les uns des autres. L’énumération tire alors vers des effets de sens comme l’explicitation ou la progression. La deuxième, moins homogène, correspond à une répétition lexicale ou à une réédition du phénomène d’énumération lui-même ou à une construction averbale formée d’une série de termes ou d’énoncés zeugmatiques. Quelle que soit la forme que prend cette variante, l’énumération tire vers un effet de sens emphatique.

Pierre Eugène Kamdem, par le concept de minimalité, essaie de rendre compte d’une caractéristique essentielle de l’Etranger de A. Camus : « la propension à la réduction systématique ». Il démontre, de façon convaincante, comment Camus, pour orienter et rendre plus incisif son discours romanesque, met en œuvre une technique du minimum, une procédure de la restriction, par « une syntaxe courte », « un vocabulaire restreint », « une narration qui empile » et « une description non qualifiante ».

Examinant les rapports entre blancs et noirs dans la pièce théâtrale La croix du sud de Joseph Ngoué, J. J. Rousseau Tandian Mouafou montre, à partir d’un point de vue praxématique, comment l’autre est présent dans l’activité discursive des personnages, comment il « conditionne et oriente » cette activité discursive. C’est là une présentation fort intéressante de la façon dont le racisme est vécu dans les interactions entre communautés de race différentes..

A travers trois ouvrages de référence que sont La Nouvelle Héloïse, Les lettres persanes et La Religieuse, Ousmane A. Dia étudie une composante essentielle des romans épistolaires du XVIIIè siècle, la préface pseudo-éditoriale, considérée comme le lieu privilégié d’une imposture du langage. En effet, les épistoliers, à l’instar de Rousseau, Montesquieu et Diderot, développent dans ce type de préface une stratégie discursive de dénégation destinée à leurrer le lecteur dans le but de le préparer à une réception attentive du récit qui lui sera proposé.

Après ces cinq études menées à partir d’œuvres littéraires, deux belles descriptions du français nous sont proposées, l’une, syntaxique et sémantique, porte sur la conjonction Quand, et l’autre, essentiellement morphologique, porte sur un procédé particulier de création néologique dans le domaine de l’emploi au Cameroun.

Pour la première, Brahim Diakhoumpa identifie quatre constructions en Quand correspondant à quatre effets de sens bien distincts : la temporalité, l’interrogation, la surenchère et la concession.

Pour la deuxième, M. Dassi, soulignant l’influence du dynamisme de la vie économique sur la pratique de la langue française au Cameroun dans le secteur de l’emploi, dégage, à partir de l’observation des enseignes publicitaires, les procédés morphologiques les plus utilisés pour la formation de nouvelles lexies, notamment celui de la composition nominale apéritive.

Dans une orientation plutôt théorique, Mamadou Diakité essaie de déterminer les relations entre les discours dit constituants que sont les discours religieux, scientifique, philosophique, littéraire et juridique. Il trouve fort simpliste de ramener ces discours à un même niveau de hiérarchie. En effet, Le discours scientifique, dont le mode essentiel d’appréhension du monde est la compréhension, doit être distingué des autres discours regroupés sous la dénomination de discours esthétiques et qui procèdent des sensations.

Kalidou Sy étudie plus concrètement un discours politique stratégique, celui du NEPAD. Il en analyse la structure actancielle ainsi que l’organisation énonciative pour mettre en évidence la quête identitaire et de positionnement de ses initiateurs, les dirigeants africains et dégage avec soin les stratégies par lesquelles est élaboré le discours programmatique, les effets de contrôle sur la cohérence textuelle.

Moussa Fall vérifie si l’idée assez répandue de la baisse de niveau en français des élèves sénégalais est un mythe ou une réalité. Convoquant l’histoire, il arrive au constat que cette idée a été une constante dans l’évolution du système éducatif sénégalais depuis l’époque coloniale et qu’en réalité, il serait plus exact de parler de faiblesse de niveau. Cette faiblesse, notée aussi bien à l’écrit qu’à l’oral, est consubstantielle au système et exige une réforme en profondeur des programmes et des méthodes d’enseignement ainsi qu’une amélioration de la formation des enseignants.

Les deux derniers articles de ce numéro sont consacrés à des langues africaines : le wolof, en usage au Sénégal et le Bamum, parlé au Cameroun.

Geneviève N’diaye Corréard propose un système verbal du wolof plus simple et plus économique que le système classique. Il s’agit d’un système qui joue plutôt sur la syntagmatique des clitiques que sur les marques phonématiques. Elle y distingue quatre types de proposition à noyau verbal, auxquels correspondent quatre modes verbaux et souligne avec clarté que dans cette langue, la focalisation, inscrite dans la syntaxe et non dans la morphologie, n’est pas une dimension du système verbal.

Oumarou Njoya, à partir d’un point de vue ethnolinguistique, apporte un éclairage sur la notion de parole chez les Bamuns du Cameroun. Il se fonde sur les termes opératoires de Shu (signifiant bavardage) et de Shuket (signifiant parole, langue) et dégage nettement deux niveaux de langage : celui (des non initiés, les enfants et les étrangers) du « discours en folie » où le langage n’assume pas véritablement sa fonction de communication, et celui (des initiés) du « discours organisé et défini » par lequel se réalise le code de référence de la culture Bamum.

Bonne lecture !

Modou NDIAYE



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